1968-1974 :
Le style Leiji explose enfin


 Leiji Matsumoto au travail, vers 1974 Pour refléter les mutations progressives de son graphisme, mais aussi le fait qu'il s'adresse de plus en plus à un public différent et plus mature, Akira a changé de prénom en 1965 et se fait désormais appeler Leiji, qui signifie en quelque sorte "guerrier zéro", un peu le nom d'un prototype de nouveau combattant, le premier d'une nouvelle race. Ce nom est très symbolique  Sexaroid © 1968 Leiji Matsumoto pour lui et fait écho à des tas d'indices parsemés au fil de ses oeuvres (la plus évidente étant la création récemment du personnage de Warriors Zero !) Comme le "L" et le "R" sont semblables en japonais, on a hélas mal transcrit en Occident Leiji sous la forme Leiji, et c'est cette forme-ci que les japonais eux-mêmes ont fini par adopter (on trouve "Leiji" sur de plus vieux mangas).

Si Leiji réalise encore en 1968 deux ou trois séries pour les filles et la saga spatiale Kosoku Espar pour les jeunes, pour le reste on peut dire que cette année marque un tournant définitif dans l'oeuvre de l'auteur. C'est en effet cette année-là que le style personnel et adulte de Leiji explose. Dresser la liste des BD réalisées par l'auteur entre 1968 et 1974 serait bien trop long... Disons que trois grands axes de travail s'esquissent alors, qui perdureront dans son oeuvre toute la décennie suivante : la science-fiction adulte (notamment Mystery Eve, et surtout les épopées MACHINNERS et SEXAROID et leurs univers futuristes pleins de jolies filles et de nains hideux),  Otoko Oidon © 1970 Leiji Matsumoto où l'on sent notamment toute l'influence de français tels que Mézières et surtout Forest et son Barbarella ; la critique sociale, la complexité des rapports humains et l'exploration analytique des valeurs japonaises (notamment avec des oeuvres comme Otoko Oidon, Wadachi, Sei Bonjin Den, Hiruandon, et la saga des Dai-Yojôhan); et enfin les récits de guerre (notamment avec sa série THE COCKPIT), où sa fascination pour les avions, les blindés, les bateaux et les armes n'a d'égale que sa critique acerbe de la guerre elle-même et l'exploration des motivations profondes de ses protagonistes.

 Leiji Matsumoto dans les années 70 Et toujours, dans ces trois directions de travail, les thèmes omniprésents de la bravoure et du courage, du devoir envers la patrie et envers soi-même, mais aussi de l'amitié et de la trahison.  Mystery Eve © 1971 Leiji Matsumoto Toutefois, le thème qui semble l'obséder est celui de la femme, toujours mystérieuse, tour à tour séductrice, manipulatrice, meurtrière même, une sorte de mante religieuse irrésistible à laquelle ses héros masculins succombent sans réussir à la comprendre ou à la cerner... à l'image de l'auteur lui-même, pour qui les femmes resteront, de son aveu même, toujours une énigme.

 Dai-Kaizoku Captain Herlock © 1969 Leiji Matsumoto Au fil de différents récits de guerre et de science-fiction (et même de westerns) se dessine peu à peu le personnage Captain Harlock, le pirate de l'espace qui fera sa renommée, ainsi que ses acolytes de toujours Tochirô et Emeraldas, dont il esquisse plusieurs prototypes dans différentes histoires, notamment en 1972 dans le western Gun Frontier et dans Dai-Furin Den.

En 1974, Leiji publie une oeuvre qui changera sa carrière et sa vie même : un manga en deux volumes intitulé Uchû Senkan Yamato (le Yamato, cuirassé de l'espace). Contrairement à ce que beaucoup pensent, l'oeuvre n'est pas de lui. Il s'agissait d'un roman d'anticipation qu'il aima tant qu'il décida d'en réaliser une adaptation en BD. L'histoire racontait l'épopée du premier vaisseau spatial terrien, le Yamato (réincarnation d'un navire japonais mythique de la seconde guerre mondiale), devant se rendre sur une lointaine planète afin de trouver un moyen pour sauver la Terre.


biographie réalisée par Stéphane Beaumort pour ARCADIA 2000 © 2002 BIS Productions - Tous droits réservés