Albator nous fait son cinéma
Deux français ont convaincu Leiji Matsumoto
 par BIS


Une fois de plus, notre auteur favori s'est laissé séduire par un projet artistique international né dans l'imagination de deux français... mais cette fois-ci, ce n'est pas les Daft Punk, même s'ils seront peut-être de la partie !

Nul besoin d'être un grand cinéphile pour savoir que les adaptations cinématographiques de BD avec acteurs réels ont rarement été des chefs d'oeuvres... Aussi l'idée d'un Captain Harlock de chair et d'os sur les écrans de cinéma n'aurait même jamais effleuré l'esprit du moindre fan ayant encore toute sa raison... Et pourtant, c'était sans compter sans cet indéfinissable french touch, qui après Daft Punk et leur DISCOVERY, a su faire fondre la détermination toute nippone de Leiji. Il aura fallu l'expérience et la détermination de Jean-Pierre Dionnet, gourou de la scène SF en France depuis plus de 30 ans et désormais spécialiste incontournable du cinéma asiatique, d'une part, et l'énergie créative d'Olivier Dahan, jeune réalisateur visionnaire déjà célèbre dans la profession.

Deux extra-terrestres, en somme... Olivier Dahan, jeune réalisateur qui a seulement quatre films à son actif, s'est déjà distingué pour son originalité, sa façon originale de travailler sans storyboards afin de préserver la spontanéité, et surtout pour la sortie remarquée et controversée du PETIT POUCET, une adaptation au budget colossal pour un film français et à la distribution prestigieuse : Bouchez, Deneuve, Naceri, Réno... excusez du peu ! Très critiqué par la profession et un peu boudé du public, il attend encore le film qui lui vaudra la reconnaissance définitive, mais il n'est pas le genre d'homme à faire des concessions, et le choix d'un projet aussi audacieux et commercialement discutable qu'ALBATOR prouve qu'il est avant tout un artiste qui assume ses choix et ses passions.

Quant à Jean-Pierre Dionnet, il est l'exemple parfait d'un touche à tout à qui tout réussit : d'abord scénariste au journal Pilote, il est ensuite en 1975 co-fondateur de la revue Métal Hurlant, qui aura le succès que l'on sait, dépassant très largement les frontières de l'hexagone. Puis la scène musicale l'attire, et aux côtés du critique rock Philippe Manoeuvre, il est en 1981 l'un des créateurs des Enfants du Rock, concept télévisuel nouveau de soirées à thème comprenant plusieurs émissions et abordant tous les genres de la musique pop. Il y forme, avec le critique Philippe Manoeuvre, un duo génial et déjanté qui laissera son empreinte en y animant L'Impeccable, magazine mensuel de BD, et Sex Machine, émission de musique délirante et unique en son genre qui leur vaudra une récompense. Dionnet reviendra à la télé en 1992 sur Canal+ avec Cinéma de Quartier, émission largement plébiscitée qui démontrera une troisième facette du personnage : le critique de cinéma. Il se prend d'un engouement pour le cinéma asiatique, et en passionné de toujours, en devient vite l'un des spécialistes incontournables. Il devient producteur (notamment du troisième film d'Olivier Dahan, LE PETIT POUCET), et prépare son premier film avec Marilyn Manson et Johnny Depp dans les rôles principaux ! Finalement, son implication dans le film ALBATOR, synthèse de ses affinités pour la BD, la SF, le rock et le cinéma, n'est pas si surprenante que cela !

Mais revenons au film lui-même. Doté pour le moment d'un budget de 27 millions d'euros, il sera basé sur la série de 1978 et a reçu l'approbation de Leiji Matsumoto, qui a tenu à superviser le casting et officiera très certainement comme conseiller technique sur l'ensemble de la production. On sait à quel point l'auteur est soucieux du respect de son oeuvre, et l'on peut donc raisonnablement penser qu'il ne laissera pas faire n'importe quoi, même s'il ne contrôle pas toujours toutes les étapes du processus créatif, comme l'incident du lancement de la 3ème série animée d'ALBATOR l'a prouvé en 2002...

Il semble évident qu'un projet de science-fiction d'une telle envergure ne saurait être mené mieux que par un studio de production américain, et le film sera donc une co-production américano-japonaise, sur un scénario du célèbre auteur de comics anglais Warren Ellis. Les tournages se feront en studio et en anglais, et les effets spéciaux seront réalisés en Asie. Quant aux acteurs, il seront très certainement des inconnus, ce qui est tout aussi bien pour préserver la crédibilité des personnages.

Reste à souhaiter que Dionnet et Dahan ne retrouvent pas leur projet broyé à la moulinette des diktats de l'industrie cinématographique américaine et qu'il puisse conserver au final un peu de son originalité européenne et de sa poésie nipponne... et aussi que Leiji ne cèdera pas à sa tentation toujours grandissante d'abuser des d'images 3D, quand on sait les vertus des maquettes sur un tel projet.

Le choix de la musique aura également son importance pour déterminer l'atmosphère du projet. Trois noms sont actuellement évoqués : celui de Joe Hisaishi, l'un des compositeurs japonais les plus renommés (il a notamment écrit pour les films de Hayao Miyazaki), celui de Kenji Kawai (qui s'est distingué sur GHOST IN THE SHELL et AVALON) et enfin les Daft Punk, les French martiens de la dance mondiale. On peut penser qu'Hisaishi (qui a déjà travaillé sur LE PETIT POUCET de Dahan) apporterait un côté grandiose au film, tandis que Kawai (ci-contre) saurait très bien faire ressortir l'aspect
sombre et énigmatique de l'intrigue et des personnages, Sylvidres en tête. Les Daft Punk, en revanche, ancreraient le film dans un son moderne, et favoriseraient sans doute son succès auprès d'un public plus jeune, déjà conquis par leur collaboration avec Leiji Matsumoto sur leurs derniers clips. Tout est donc envisageable, même un panachage de Daft Punk avec l'un des deux compositeurs (ils pourraient n'écrire que les chansons des génériques, par exemple). Affaire à suivre...


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