Leiji Matsumoto: "Gothique spatial" ?
Le monde du dessin animé d'aujourd'hui
est rempli de séries insipides aux personnages prévisibles et aux scénarios
standards. Peu réussiront à traverser les années avec autant de grâce et d'inspiration
que celles de Leiji.
Les thèmes adultes que Matsumoto aborde et l'aspect quelque peu sombre
de ses dessins, particulièrement dans ses mangas, ont parfois conduit des
critiques en mal d'inspiration à qualifier son oeuvre de "gothique spatial".
Ce qualificatif est inadéquat à plus d'un titre: En effet, le terme "gothique"
ne fait pas référence seulement à une esthétique vestimentaire ou à un courant
musical; il renvoie généralement à une fascination pour ce qu'il y a de morbide
et de maléfique, à une violence qui s'exprime dans un désir de choquer, à
refus de regarder l'avenir en face et de faire face aux conséquences de ses
actes.
Le monde de Leiji est à l'opposé de cette image: Ses héros, quoique
souvent désabusés et parfois malheureux, sont sans cesse en quête de bonheur
et ne perdent jamais l'espoir de le trouver. Ils croient à l'entr'aide et
à la fraternité, et ce malgré l'adversité constante dont ils peuvent faire
l'objet. Ils savent être fragiles, faire parler leurs sentiments, pleurer.
Ils apprennent de leurs erreurs et de leurs échecs, combattent pour des idéaux
supérieurs et pensent toujours à passer le flambeau à d'autres en pensant
à l'avenir des futures générations. D'autre part, ils croient avec conviction
en un dessein supérieur qui les conduira forcément à trouver leur place dans
le cosmos.
On est donc loin de toute la pensée "gothique", obscure, nihiliste et égocentrique.
Et s'il y a des têtes de mort partout dans le vaisseau d'Albator il
faut peut-être simplement y voir toute la symbolique du pirate, le défi à
la mort, le souvenir constant des compagnons disparus et le désir d'inspirer
la crainte à ses adversaires.